Planche d'ambiance de la ligne Aérostat inspirée des ballons à air chaud et des montgolfières anciennes sous Louis XVI

Avant de lire un livre, et de dire : « J’y crois ! »
Analysez la plaie, et fourrez-y les doigts ;
Il faudra de tout temps que l’incrédule y fouille,
Pour savoir si son Christ est monté sur la croix.

Alfred de Musset, Souvenir

Lieux de savoir, emblèmes de pouvoir, symbole de richesse et objets d’apparat, coffre à trésor de récits, de rêves et de mystères, où encyclopédies et ouvrages scientifiques côtoient grimoires et manuels de magie… les bibliothèques sont un patrimoine précieux pour l’humanité, constitué dès l’aube de l’Histoire.

La bibliothèque devait prendre la place qui lui revient dans l’univers de Res Mirum.

Elle y apparaît en février 2022, et c’est la onzième thématique à être développée. Voici son histoire.

 

AU COMMENCEMENT…

Au commencement des bibliothèques, il y eu… l’écriture.

Les premières traces d’écriture dépendent de ce que l’on entend par « écriture ». Les premiers dessins rupestres, datant de dizaines – voir centaines ! – de milliers d’années, étaient-ils de simples expressions artistiques, ou bien étaient-ils porteurs d’un message, laissant entrevoir là les prémices d’un langage écrit ? Les dessins tracés sur les parois rocheuses de la grotte de Lascaux il y a environ 20 000 ans, ou les lignes entrecroisées vieilles de 73 000 ans trouvées sur un caillou dans la grotte de Blombos en Afrique du Sud, avaient-ils une symbolique, doivent-ils être considérés comme une forme d’écriture ?

Une chose semble sûre, c’est que l’écriture s’est mise en place très progressivement au cours des millénaires.

 

LES PREMIÈRES BIBLIOTHÈQUES DE L’HISTOIRE

C’est sur des tablettes d’argile, vieilles de 5 500 ans environ, que l’on trouve une première forme d’écriture sous forme de pictogrammes. Cette écriture est une écriture partielle, destinée à exprimer des opérations comptables et administratives, car les sociétés humaines devenues de plus en plus grandes engendrent tellement d’échanges entre les individus que de telles masses de données ne peuvent plus être stockées uniquement dans des cerveaux humains.

Peu à peu l’écriture devient plus élaborée, et les premières écritures complètes pouvant aussi exprimer aussi des concepts abstraits, seraient apparues il y a environ 5 000 ans.

Ainsi, les endroits consacrés à l’archivage de ces premières tablettes constituent la naissance des premières bibliothèques, même si le livre n’existe pas encore.

PRÉMICES DU LIVRE : LES ROULEAUX, PAPYRUS ET PARCHEMINS

Il est vraisemblable qu’avant les tablettes d’argile, le bois ait été le premier support de l’écriture, car bien plus accessible et disponible. Les mots « biblos » et « liber », racines grecque et latine de « bibliothèque », « livre » et « librairie » ont d’ailleurs pour premier sens « écorce intérieure d’un arbre ».

Il y a environ 5 000 ans, les Egyptiens inventent le rouleau, appelé en latin « volumen » (signifiant « chose enroulée », qui donnera le mot « volume »). Ces rouleaux sont réalisés à partir de la plante papyrus, et on les appelle ainsi communément des papyrus.

Plus commodes que les tablettes d’argile, ces rouleaux ne sont cependant pas très pratiques ; il est compliqué de les dérouler, fastidieux d’y trouver un passage particulier, et certains peuvent dépasser les 50m de long !

Les Egyptiens gardent précautionneusement pendant des siècles le secret de fabrication de leur papyrus.

Il y a environ 2 200 ans, pour contourner cela, on met au point en Asie Mineur des rouleaux en parchemin, réalisés à partir de peau d’animal.

Environ à la même époque, les Chinois inventent pour leurs rouleaux une nouvelle matière : le papier. Mais eux aussi, gardent leur méthode de fabrication secrète pendant des siècles.

 

APPARITION DU LIVRE PAPIER RELIÉ : LE CODEX

En parallèle, quelques siècles avant notre ère, les Romains développent l’utilisation de la tablette à écrire en bois, appelée codex (provenant de « caudex » : souche, tronc d’arbre). Il y a 2 000 ans environ, ils relient ces tablettes entre elles, et continuent à appeler codex ce nouveau support d’écriture constitué de planches reliées.

 

Premier codex Romain : tablettes en bois reliées
vikidia.org

C’est déjà une véritable évolution du support d’écriture, mais l’utilisation du bois limite tout de même grandement la quantité d’information que le codex peut contenir ; on ne relie au plus qu’une dizaine de planche.

Au IIème siècle le parchemin vient remplacer le bois. Le codex des Romains devient alors bien plus fonctionnel que le rouleau, et va le surplanter au cours des siècles suivants.

Au VIIIème siècle, les Arabes obtiennent le secret de fabrication du papier Chinois et le diffusent d’Asie centrale au Moyen-Orient, pour atteindre l’Occident vers le XIIème siècle. Ce nouveau matériau va à son tour remplacer le parchemin. Mais les choses prendront du temps : ce n’est qu’en 1348 que les Français créent leur première fabrique, à Troyes.
Vous noterez que le mot « papier » est lui-même issu du mot latin « Papyrus » !

Le codex va ainsi connaître progressivement les améliorations qui vont finir par lui donner les caractéristiques de nos livres actuels : paragraphes, ponctuation, table des matières, index, minuscules et majuscules… et ainsi, permettre de bien mieux diffuser la culture et le savoir. Sa production reste tout de même limitée ; la duplication d’un codex peut prendre des années.

Au Moyen-Age, on entrepose les livres dans une niche murale ou un coffre à livres appelé armarium (armoire), ou dans une pièce qui s’appelle libraria (librairie).

A la Renaissance, le français privilégie l’utilisation du mot bibliothèque, pour désigner à la fois un meuble, un lieu, et une collection de livres.

APPARITION DE L’IMPRIMERIE

Un nouvel événement va révolutionner la fabrication du livre : la mise au point de l’imprimerie par Johannes Gutenberg vers 1450.

Il ne s’agit pas à proprement parler d’une pure invention, car des procédés d’impression avaient déjà été conçus bien longtemps auparavant. En Chine, la xylographie (impression sur tissu ou papier à l’aide d’un bloc de bois gravé) aurait été conçue au IIème siècle avant notre ère ; l’impression à l’aide de caractères amovibles sont mis au point en céramique dès le Xème siècle par Bi Sheng. Le livre considéré comme le premier au monde à avoir été imprimé avec des caractères métalliques amovibles est un livre Coréen, le Jikji, en 1377 !

Mais à Gutenberg (et ses successeurs immédiats, comme son apprenti Peter Scheoffer) revient le mérite d’y avoir apporté de telles améliorations, que la confection d’un livre va pouvoir se faire à beaucoup plus grande échelle. Un copiste écrit au maximum 4 feuillets en une journée, quand une presse va en imprimer 1 600 !

L’imprimerie impose définitivement le papier et le livre prend au cours des décennies suivantes l’apparence qu’on lui connaît aujourd’hui. Le papier ne servira d’ailleurs pas uniquement qu’à l’industrie du livre ; il sera utilisé par exemple pour les débuts de la conquête de l’air… mais ça, c’est une autre histoire 🙂

Un codex désigne ainsi les livres manuscrits (souvent en latin) avant les imprimés. C’est un mot qui est resté aujourd’hui pour désigner un recueil de formules, drogues et préparations pharmaceutiques.

 

COÏNCIDENCES DE L’HISTOIRE

Il est curieux de constater que dans l’Histoire, des inventions similaires surviennent parfois de manière concomitante à différents endroits du monde, sans qu’apparemment leurs auteurs ne se soient influencés.

Le livre en est un exemple ; il est apparu sous différents aspects et matières dans des civilisations non reliées entre elles, à différents endroits de la planète et à peu près à la même période, utilisant les ressources environnantes : les Aztèques et les Mayas par exemple, produisaient un papier à base de ficus, et avaient mis au point des ouvrages appelées « leporellos » qui se déplient en accordéon, également désignés sous le nom de codex.

Gutenberg quant à lui, n’avait a priori pas connaissance des caractères mobiles inventés par les chinois et les coréens plusieurs décennies avant lui.

 

RICHESSE DES OUVRAGES : LES ENLUMINURES

Il faut se rendre compte à quel point ces ouvrages de l’époque sont précieux et accessibles uniquement aux plus riches.

On achète généralement des cahiers dont la reliure est laissée à la charge de son acquéreur, qui selon ses moyens va choisir le cuir et les décorations, parfois apposer ses armoiries, et peut-être y faire insérer de l’or, de l’argent, des pierres précieuses ou de l’ivoire…

Par préoccupation des apparences mais souci d’économie, certains propriétaires vont jusqu’à faire fabriquer de fausses bibliothèques, sortes de trompe-l’œil présentant des dos de livres.

 

Psautier de Charles le Chauve

Reliure d’ivoire et d’orfèvrerie
France, avant 869.
Manuscrits à peinture
© Bibliothèque nationale de France
Évangiles de Saint-Denis
Reliure d’orfèvrerie & d’ivoire
Aix-la-Chapelle, VIIIe siècle.
Manuscrits à peinture
© Bibliothèque nationale de France

Psautier de Charles le Chauve

Reliure d’ivoire et d’orfèvrerie
École du Palais de Charles le Chauve.
Manuscrits à peinture
© Bibliothèque nationale de France

Les pages sont généralement enrichies de magnifiques peintures, et le texte est ornementé de lettrines. Parce que ces illustrations sont réalisées à l’aide de matières précieuses – notamment de l’or ou de l’argent, ce qui les rend lumineuses, elles sont appelées « enluminures ». Cet art de l’illustration, débuté à la fin de l’antiquité au IIIème siècle atteint son apogée à la période gothique entre le XIIIème et le XVème siècle. Puis cette discipline s’éteint avec l’utilisation de l’imprimerie, et laisse place à un nouvel art : la peinture de chevalet.

Les enlumineurs sont de talentueux peintres, qui laissent exprimer leur imagination sans forcément chercher à produire un lien entre leur travail graphique et le contenu du livre. Ces dessins peuvent être caricaturaux, ou parfois humoristiques – on les appelle alors drôleries. Mais ils affichent surtout une foisonnante de représentations animales : lapins guerriers, licornes, hydre, tétramorphe, basilic, griffons, phénix, sirènes, amphisbènes… c’est un incroyable panel de créatures plus ou moins fantastiques que contient le bestiaire médiéval.

Il faut dire que l’époque n’était pas aux explorations, et qu’il n’y avait pas de raisons pour douter davantage de l’existence d’une licorne que de celle d’une girafe ! La représentation du monde animal au Moyen-Age se fonde principalement sur le Physiologus, un manuscrit rédigé Alexandrie au IIe siècle après J.-C. Cet ouvrage, qui dénombre une cinquantaine d’animaux (parfois très étranges) en leur attribuant une symbolique, va servir de référence pendant des siècles.

Différents exemples de marginalias, lettrines & autres drôleries
laboiteverte.fr & bnf.fr

LES BIBLIOTHÈQUES AUJOURD’HUI

Depuis si longtemps présent dans nos cultures, on pourrait être tenté de penser que notre bon vieux livre en papier sera toujours là, comme si des siècles d’utilisation en avaient si bien peaufiné la pratique qu’ils nous ont permis d’aboutir enfin à une forme parfaite, immuable.

Mais ces dernières décennies, l’apparition d’un nouveau langage et un nouveau support forment une nouvelle révolution : le langage binaire et le support informatique.

Avec la diversité des supports de communication, et notamment des contenus audiovisuels, on assiste fin du siècle dernier à la naissance des bibliothèques multimédias – ou médiathèques.

Désormais on accède à une extraordinaire quantité et variété de contenus de toutes sortes, documents, archives… de chez soi grâce à internet, en allant par exemple visiter les sites de la Bibliothèque Nationale de France ou de l’Institut National de l’Audiovisuel. Les vieux livres, codex ou premiers imprimés, ont été numérisés et sont accessibles sur le site de Gallica ou de Persée. Wikipédia se pose comme un formidable projet d’encyclopédie collective en ligne.

C’est d’ailleurs en grande partie grâce à ces sources que cet article a pu voir le jour.

 

BIBLIOTHÈQUES ET OUVRAGES REMARQUABLES

La plus célèbre bibliothèque antique est bien sûr celle d’Alexandrie, en Égypte, créée au IIIème siècle av. JC.

La plus vieille bibliothèque du monde encore en activité est la bibliothèque Al Quaraouiyine de Fès au Maroc, fondée en 859 après JC par Fatima El-Fihriya. Elle renferme quatre mille manuscrits d’une valeur inestimable.

La bibliothèque impériale de Constantinople fondée au IVème siècle était une des plus importantes bibliothèques de l’antiquité et du Moyen Âge. Elle s’inscrit dans le rayonnement de l’empire Byzantin jusqu’au XVème, qui fera naître la Renaissance et l’Orientalisme en Occident.

L’un des tout premiers ouvrages imprimés par Gutemberg, la Bible de Gutenberg (accessible grâce à Gallica), est peut-être le livre le plus recherché au monde. Le prix pour un exemplaire complet atteint les dix millions de dollars.

En 1499 est imprimé à Venise l’un des ouvrages les plus recherchés : l’Hypnerotomachia Poliphili. Un siècle après son impression, les bibliophiles déjà s’évertuaient à le traquer.

Le Psalmorum Codex, dit « Psautier de Mayence », célèbre ouvrage imprimé par Johann Fust et Pierre Schoeffer en 1457 est également considéré comme l’un des livres les plus précieux de tous les temps.

Le Manuscrit de Voynich qui semble avoir été écrit au XVe siècle, est également un ouvrage singulier : son écriture étrange, est non décryptée pour le moment.

Le Codex Leicester, manuscrit rédigé par Leonard de Vinci lui-même, a été acheté par Bill Gates en 1994 pour 29 millions d’euros !

 

Psalmorum Codex

Manuscrit de Voynich

Codex Leicester

Psalmorum Codex

Bible de Gutenberg

LA BIBLIOTHÈQUE DE RES MIRUM

A la Renaissance, on voit apparaître les cabinets de curiosités (on en parle ici !). L’intérêt pour la collection, le savoir, ou tout simplement les apparences, est le même qui conduit les plus riches à constituer un cabinet de curiosités à côté ou à l’intérieur même de leur bibliothèque.

La Bibliothèque de Res Mirum est une bibliothèque de la Renaissance, composée d’ouvrages datant de la fin des manuscrits et des premiers livres imprimés (qu’on appelle des incunables).

On y trouve un mystérieux manuscrit enluminé ouvert posé sur un lutrin, en bague et en bracelet. On devine à l’écriture calligraphiée qu’il s’agit d’un codex. On retrouve également un livre ancien en boucles d’oreilles.

Les enluminures magnifiques présentes dans les livres de cette période gothique sont représentées en bague, pendentif et boucles d’oreilles.

Des rangées de livres, comme alignés sur une étagère, sont présentes en bracelet et en anneau.

 

Sources :
https://teteschercheuses.hypotheses.org/2492
https://books.openedition.org/enc/1017
https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_de_la_reliure_occidentale
https://www.univ-montp3.fr/uoh/lelivre/sommaire/index.html
http://classes.bnf.fr/phebus/reperes/index5.htm
http://classes.bnf.fr/livre/arret/histoire-du-livre/premiers-supports/index.htm
http://expositions.bnf.fr/bestiaire/arret/index.htm
http://classes.bnf.fr/dossisup/supports/art13j.htm
https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03004773/document
https://fr.wikipedia.org/wiki/Bibliothèque
https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_du_livre
https://en.wikipedia.org/wiki/Library
https://fr.wikipedia.org/wiki/Jikji
https://fr.wikipedia.org/wiki/Codex
https://fr.wikipedia.org/wiki/Manuscrit_de_Voynich

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